Nul ne soumet le vent ↯ Orys Baratheon

Dehors au loin, on pouvait entendre le tonnerre d’une énième tempête gronder, mais le ciel d’Accalmie était encore gris clair. Dans le port souterrain accessible uniquement à marée haute se trouvaient des gardes royaux et des gardes d’Accalmie pour accueillir le Seigneur Orys Baratheon. Ils devaient l’escorter jusqu'à la grande salle en passant par les souterrains secrets qui pénétraient dans la forteresse et lui expliquer le protocole prévu. Il devait avancer jusqu'aux deux premiers gardes royaux situés de part et d’autre de l’allée centrale et s’incliner devant le roi et la reine. Ensuite il devait s’avancer jusque devant la princesse avant de découvrir son visage et de lui faire un baise main, puis ils devait lui prendre la main et elle se retournerai vers son père et sa mère et ensemble, ils s’inclineraient.

Dans un joli paquet cadeau se trouvait une brune jouvencelle. Une robe immaculée un voile d’un blanc virginal, de jolies courbes, la jeune femme attendait le fiancé en bas de l’estrade où trônaient pour l’occasion, le Roi Argilac et la Reine Rowena. Toute la cour réunie dans la salle du trône, s’impatientant de voir survenir le futur Prince consort et observant ce petit bout de femme qui aujourd'hui lui était offert en échange d'une alliance que tous espéraient prospère.

Une autre brune regarda le navire pénétrer dans la bouche béante de la falaise et sortit de sa chambre à grandes enjambées accompagnée de sept manteaux noirs et alors que les cloches du septuaire annonçaient la rencontre des fiancés dans toute la cité et que le héraut les trompettes et les tambours accompagnaient l’entrée du Baratheon dans la grande salle, elle descendit les escaliers dans une ample robe de velours noir qui ne dévoilait rien, mais montrait tout. Le buste ajusté sur sa sa poitrine saillante remontait jusqu'à un col officier orné d’un galon de broderies dorées. Une ceinture dorée ciselée d’andouillers de biches et d’éclairs ceignait sa taille fine et le drapé du lourd tissu épousait ses hanches jusqu'au bas de la robe qui était également galonné. Les manches ajustées présentaient le même galon que le col sur ses gracieux poignets et des boutons dorés martelées du sceau de la maison Durrandon sur l’avant bras.

La Princesse attendit que la stupeur de la foule résonne dans la salle en découvrant que la femme caché sous le voile n’était pas la Princesse de l’Orage mais sa suivante. Et tandis que la jeune noble qui faisait face à Orys tremblait en entendant les exclamations des quelques courtisans et des nombreux soldats qui se mirent bientôt à chercher la vraie princesse du regard, elle fit son entrée. Sous le coup de la surprise, le héraut oublia de l’annoncer mais les trompettes retentirent cependant. Ce ne fut qu’à ce moment-là que ses parents prirent pleinement conscience du problème, Rowena fusilla sa fille du regard et Argilac hocha la tête,  amusé et curieux de savoir ce que sa fille avait réservé au Baratheon. Lorsqu’elle arriva devant lui, entourée par ses hommes en manteaux noirs brodés d’un éclair jaune dans le dos et armures dans les même tons, le fait qu’il la domine d’une bonne tête n’empêcha pas la brune de le toiser de son regard azur.

__ Je ne suis pas un cadeau qu’on offre sur un plateau d’argent agrémenté de quelques rubans. Je ne suis pas une fleur qu’on peut cueillir rien qu'en se baissant. Je suis Argella, Princesse de l’Orage, descendante du Dieu des mers et de la Déesse des vents. Pour m’épouser, Lord Orys Baratheon, vous devrez affronter sept épreuves entre ce jour qui marque nos fiançailles et le jour de notre mariage.

Dit-elle d’une voix forte que tous pouvaient entendre en le regardant, le menton altier d’un air de défi. Ces Gardes Tempêtes juste derrière elle, main gauche sur le fourreau de leurs épées, mais prêts à défendre la Princesse en cas de mauvaise réaction du promis. Puis, écartant définitivement tout protocole d’un revers de main décidé, elle passa à côté de lui, effluves musquées émanant de son cou, pour s’avancer de quelques pas en direction de ses parents et s’agenouiller devant eux, bientôt suivie par ses chevaliers de noir vêtus et toute l’assemblée. Le Septon attendant qu’Orys fasse de même pour prononcer les fiançailles officielles sous le regard des Sept et de la noble assemblée ici réunie.

La suivante d’Argella ne savait plus où se mettre et elle disparut bien vite dans la foule stupéfaite par l’entrée de la véritable Princesse. Certains seigneurs se mirent à murmurer qu’elle avait vraiment le caractère de son père, d’autres que cette farce était parfaitement déplacée et d’autres qu’en elle s’exprimait toute la fierté Orageoise et qu’ils ne pouvaient que se réjouir qu’elle ne se laisse pas ainsi donner à un simple Seigneur. Évidemment, certains d’entre eux ne se gênaient pas pour rappeler son ascendance douteuse. Cependant, la plupart restèrent muets, attendant la suite, à savoir la réaction du jeune homme qui aurait sans nul doute pu écrabouiller la Princesse avec son poing ou la couper en deux avec son épée d’acier Valyrien. Fort heureusement il n’en fit rien et alors que tous retenaient leur souffle, il accepta le défi lancé par la jeune biche.

Un soupir de soulagement émana de l’assemblée, aucun de la part d’Argella, mais elle l’était également car elle était bien consciente du risque qu’elle venait de prendre à bien des niveaux. Il aurait pu tout aussi bien l’humilier devant la cour et les vassaux, devant ses parents, mais il ne le fit pas et elle eut un léger sourire en coin. Satisfaite également de son entrée fracassante, d’aucun diraient totalement insolente, peut-être même légèrement agaçante. Mais jamais au grand jamais elle ne se serait soumise à cette mascarade dans laquelle elle était censée se tenir bien sagement devant lui et le laisser la découvrir. Quoi ?! Sa mère s’attendait-elle à ce que sa fille ne lève sur lui des yeux de merlan frit et batte des cils comme une jouvencelle émerveillée ? Plutôt mourir !

Aussi agréable à regarder qu’il puisse être, et il l’était, cela ne suffisait pas pour séduire l’héritière de l’Orage. Elle savait parfaitement de quel Roi elle avait besoin pour régner sur l’Orage. Elle savait aussi de quel bois était fait ses vassaux et ce qu’ils pouvaient attendre d’un Roi. Alors cette mise en scène pouvait bien ressembler au caprice d’une gamine, mais il n’en était rien, il s’agissait de tester son promis et également de lui donner la légitimité dont il aurait besoin pour que nul ne puisse contester son autorité. Quant au charme d'Orys, heureusement elle l’avait déjà vu, de loin certes, mais de suffisamment près cependant pour ne pas être surprise par sa carrure ou son visage à la fois fin et viril. Ni même par ses cheveux dans lesquels elle avait une furieuse envie de passer la main. En revanche, elle put sentir son odeur et jusqu’à son souffle qui effleura son visage alors qu’elle lui faisait face. Ça s’était la première fois, mais même troublée elle savait garder ce regard de glace qui était sa marque de fabrique.

Elle ne lui accorda pas le moindre coup d’œil tandis que le Septon s'avançait vers eux pour bénir leurs fiançailles à grand renfort de prières à la Mère, au Père, à la Jouvencelle, un Guerrier, au Ferrant à l'Aïeule, et évidemment pas à l’Étranger. Cela dura des plombes et Argella qui n’avait pas franchement l’habitude de rester à genoux aussi longtemps commençait à avoir mal. Elle ferma les yeux, ses mains jointes devant elle et souffla en serrant les dents. Elle en avait connu d’autres, après tout il lui était arrivé de se battre et de perdre cruellement, contre des hommes bien plus forts qu’elle. Son père n’avait jamais accepté qu’un chevalier la ménage parce qu’elle était une femme et la Princesse, son entrainement avait donc été dur et violent, un echec cuisant car elle avait fini par renoncer. Mais ça n'était pas les bleus la douleurs ou les coupures qui l’avaient fait abandonner. Seulement l’impression qu’elle ne serait jamais à la hauteur, jamais assez forte pour ça. Elle avait donc dû développer d’autres talents. A moins qu’elle n’ait développé qu’un caractère exécrable et une témérité proche de la folie. Nul ne savait vraiment.

Ils purent enfin se relever et elle ne bouddha pas son plaisir à retrouver l’usage de ses genoux.

__ Lord Baratheon, soyez le bienvenue à Accalmie. Puissent les Sept vous guider et vous donner la force d’affronter les épreuves que ma fille, la Princesse Argella, décidera de vous faire passer.

Fit le Roi en regardant sa fille qui, qu’elle le veuille ou non, se soumettrait à ce mariage parce que l’alliance en dépendait et que les fiançailles étaient actées. Mais il n’en dit rien pour le moment devant la cour. L’explication de texte attendrait le soir et l’intimité familiale. Il se leva et prit la main de a Reine Rowena pour l‘aider à faire de même. Alors, Argella posa alors ses yeux azur sur Orys en se tournant vers lui, un léger sourire sur les lèvres, tendant sa main pour qu’il la prenne dans la sienne renouant avec le protocole, pour le moment en tout cas. Puis, elle se retourna vers la foule et invitant Orys à faire de même. Et pendant que tous applaudissaient les fiancés, elle lui dit, juste assez fort pour que seul lui entende :

__ Bleu et argent ? Sont-ce là vos couleurs ?

Fit-elle en fronçant les sourcils. Torrhen avait peut-être contribué à largement apaiser le ressentiment que la brune avait envers Rhaegar, mais pas à lui faire oublier l’affront et le fait qu’Orys porte ses couleurs ne lui plaisait guère.

__Heureusement que d’ici quelques lunes, vous prendrez les miennes.

Les invités se mirent à défiler pour féliciter les fiancés et leur offrir quelques présents, mais les cadeaux les plus somptueux attendaient le mariage. Une robe pour la Princesse par-ci, un gilet pour le promis par là. La brune remerciait ses gens avec un large sourire et un mot gentil et les présentait à Orys les uns après les autres, certains le regardaient de travers, d’autres étaient plus francs, mais personne n’osa lui dire le moindre mot sur sa bâtardise devant la famille Royale. En effet, le Roi et la Reine étaient descendus de leur piédestal et ils discutaient pendant que, plus loin, des serviteurs distribuaient de quoi boire et grignoter. Heureusement la plupart des invités étant des soldats, ce fut assez rapide et ils purent bientôt être servis à leur tour.

__ Lord Orys, je vous présente Ser Greydon Selmy, le capitaine de ma Garde Tempête. Voici Ser Barristan, Ser Tybalt, Ser Melwyn, Ser Richard, Ser Gregor et Ser Erryk. Ce sont mes Manteaux Noirs et votre première épreuve sera de les affronter en combat singulier. Dès demain. Mais en attendant, sachez que se sont les hommes chargés d’assurer ma sécurité en tout temps et en tout lieu, je leur voue un immense respect et je vous prie de faire de même.

Argella ignorait si Orys la reconnaîtrait, ou plutôt s’il se rendrait compte que la jouvencelle sous le voile blanc n’était pas la Princesse qui lui était promise. Elle ne savait pas s’il l’avait regardé alors qu’elle était à Peyredragon, c’est à peine s’ils s'étaient croisés et elle n’avait trouvé aucune bonne raison pour parler à un bâtard, même légitimé. Elle, elle l‘avait regardé en revanche. Et elle se souvenait qu’elle l’avait trouvé beau dès le premier regard. Elle l’avait regardé parce que Rhaegar n’avait rien trouvé de mieux que d’essayer de la caser avec lui pour tenter de l’éconduire en douceur. Le Velaryon ignorait ce qu’était la douceur à n’en point douter. Et il ignorait également ce que signifiait de refuser l’idée même d’un mariage avec une Princesse de l’Orage. Pendant un temps, elle avait été furieuse que ses charmes n’aient pas agit sur le dragonnier, et elle était toujours furieuse de la façon dont il l’avait rejetée. Mais elle avait obtenu de la part de Torrhen Estremont une explication des plus satisfaisante. Et peut-être que c’était mieux ainsi, surtout étant donné ce qu’avait exigé Aegon en échange de l’héritier de Lamarck.

La brune aux yeux céruléens vit dans les yeux du grand brun qu’il avait su que ça n’était pas elle et qu’à présent il la reconnaissait. Elle en fut ravie, mais s’en cacha tant bien que mal alors qu’il acceptait le défi lancé avec un léger sourire. Elle eut toutes les peines du monde à ne pas le lui rendre, ce sourire, et à ne pas détourner les yeux devant son regard charmeur. En cet instant, elle se dit que c'était mieux ainsi de manière certaine, parce que le Velaryon n'aurait jamais accepté de risquer sa vie pour lui plaire, et il n’aurait probablement pas apprécié cette petite farce. Alors qu’Orys semblait s’en amuser, bien qu’il ignore encore quelles épreuves il allait devoir affronter, ce qui explique pourquoi le défi le faisait encore sourire. C’étaient les Sept qui avaient placé le Baratheon sur le chemin de la jeune biche, songea-t-elle pendant la bénédiction, évinçant Rhaegar pour mettre à sa place quelqu’un qui la méritait vraiment.

La Durrandon savait qu’Orys n’y était pour rien, c’était sa mère la seule responsable, même Aegon n’avait fait que saisir l’opportunité donnée par Rowena et Argilac avait accepté pour le bien de l’Orage. Elle accepterait également pour le bien de l’Orage, mais pas sans efforts de sa part, pas sans qu’il lui prouve sa valeur à défaut de sentiments qui n’avaient pas leur place dans cette alliance politique et militaire. Il devait faire ses preuves et elle aussi en quelque sorte, en tant que Princesse héritière. Le ton était donné donc concernant son respect du protocole et sa position de femme. Peut-être que, s’ils avaient de la chance, des sentiments naîtraient entre eux, mais en tout cas, s’il réussissait toutes les épreuves, il ferait un grand Roi Consort et un sacré partenaire de vie pour la jeune biche.

Argilac sourit à la réplique du Baratheon, cela lui plaisait qu’il se montre aussi décidé à réussir les épreuves d’Argella et il avait hâte de le voir affronter une des colères de sa fille pour voir ce que cela pouvait donner entre eux. La joute commença sans que le Cerf Couronnée n’en ait conscience lorsque la jeune femme critiqua les couleurs d’Orys. Savait-il seulement pourquoi elle n’aimait pas celle-ci ? En vérité elle les trouvait très jolies mais elles lui rappelaient douloureusement un fort mauvais souvenir. Ce dernier lui répondit avec la juste dose d’insolence et elle ne put, cette fois, s’empêcher de sourire pour de bon en lui jetant un coup d'oeil appuyé, laissant glisser son regard de son visage à son torse et même bien plus bas avant de replonger ses yeux dans les siens.

__ J’en suis sure, le noir et l’or vous iront très bien.

Non, il n’allait pas se laisser impressionner et elle non plus, aussi pucelle soit-elle.

Une fois les félicitations reçues, les cadeaux distribués et les présentations faites, Argella annonça à Orys la première épreuve qui aurait lieu dès le lendemain. C’était non seulement une manière d'apprécier ses qualités de combattant, mais également son endurance. Ces gardes comptaient pour certains parmi les meilleurs épéistes du Royaume, il y avait fort à parier qu’il ne les vaincraient pas tous, surtout qu’il aurait Sept combats à mener alors qu’eux n’en auraient qu’un chacun. Mais elle ne lui avait pas demandé de les vaincre tous, seulement de les affronter, or Argella ne choisissait jamais ses mots par hasard. Orys se montrait courtois, poli, courageux et même attentionné, Rhaegar ne lui avait-il pas dit que c'était un homme de valeur ? Elle pouvait à présent le constater, car aussi perdu puisse-t-il se sentir en territoire étranger au milieu de tous ses inconnus et de cette rencontre par trop protocolaire, il faisait bonne figure. Ainsi, quand il décida de prendre le large pour aller boire un coup devant une fenêtre, elle le suivit des yeux mais lui laissa un peu d’air. Elle remplit son rôle jusqu’à ce que tous les invités soient trop occupés à discuter pour faire attention à elle et le rejoint devant la fenêtre qui donnait sur la cour. Cette fois l’orage était sur eux et les éclairs lançaient des flash aveuglants avant que le tonnerre ne résonne entre les murailles arrondies.

__ Sire, tout va bien ?

Fit-elle d’un ton autrement plus doux que celui dont elle avait usé jusque là, craignant de l’avoir peut-être un peu courroucé.

La Princesse hocha la tête en guise de réponse. Sans doute le mariage de ses deux couleurs était-il parfait et peut-être que son mariage avec Orys ne serait pas si mal, mais parfait, aucun mariage ne l’était, elle le savait bien.

Cette épreuve était la première, celle du père, et probablement la plus simple car à aucun moment il ne risquerait sa vie. Les chevaliers de la Garde Tempête étaient suffisamment aguerris pour se battre sans infliger de blessure grave à leur adversaire. En vérité, il y avait toujours un risque, mais il était maîtrisé et limité. Ser Greydon, Ser Barristan, et Ser Richard, comptaient parmi les plus fines lames du Royaume. Ser Barrisan était un marchien pure souche, fier et foutrement déterminé à vaincre avec une légère tendance à chercher à faire mal. Le capitaine qui avait remporté nombre de tournois, avait été le Maître d’Armes d’Accalmie avant d’être assigné à la protection de la Princesse et avait derrière lui une longue expérience de combattant, tant dans des batailles rangées que dans des escarmouches ou dans les joutes et autres mêlées organisés lors des festivités. Il avait notamment suivi le Roi dans les Degrés de Pierre dans sa jeunesse et s’il était peut-être moins endurant maintenant, il était plus redoutable encore du fait de sa technique.

En parlant des Degrés de Pierre, Ser Melwyn était né et avait grandi parmi les pirates avant de rejoindre les rangs de l’Orage durant la guerre et d'être adoubé par Argilac en personne. Quant à Ser Tybalt, il ne payait pas de mine, sa stature était moyenne, mais il avait exercé un temps comme mercenaire à Essos avant de finir dans lés Arènes de Meereen, quand il avait enfin été libéré, il était rentré dans à Torth, là où il était né. Ser Gregor était surnommé la Montagne Rouge, montagne parce que sa taille et sa carrure étaient impressionnantes, même face à Orys qui était loin d’être petit et rouge parce que sa peau de rouquin supportait très mal le soleil et la chaleur et qu’il avait par le passé eut tendance à boire plus que de raison. C’était peut-être Ser Erryk, le nouveau venu qui n'avait intégré la Garde de la Princesse que depuis un peu plus d’une lune qui avait le plus de chances de perdre.

Mais Ser Greydon ne manquerait pas de les faire combattre dans un ordre déterminé afin de mettre à rude épreuve l’endurance du futur Prince. En effet, ce dernier ne voyait pas d’un bon œil qu’un bâtard épouse la Princesse, même s’il en comprenait les raisons, cependant, en homme juste, il pouvait changer d’avis si ce dernier se montrait à la hauteur. Or, une fois marié, Orys serait le premier et le dernier rempart de la Princesse contre ses ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, son habileté au combat était donc primordiale selon le Selmy qui ne voyait que par la voie martiale de toute façon. Ainsi, une fois Orys parti, Argella lui murmura à l’oreille de ne pas ménager son promis et il discuta avec ces hommes de l’ordre des combats. Erryk passerait en premier de manière à endormir la vigilance du Baratheon, ensuite, Ser Barristan prendrait le relai afin d’épuiser le bougre. Suivraient Ser Melwyn et Ser Tybalt, moins techniques mais plus agiles qui entameraient la résistance du promis avant que Ser Gregor, nettement moins rapide, mais très puissant ne tente de lui mettre une branlée. Ser Richard viendrait ensuite terminer le travail tout en finesse, et pour porter le coup de grâce, le capitaine mettrait toute sa science au service de l’Orage.

Entre temps, Argella avait rejoint Orys à la fenêtre et lui demanda s’il allait bien, consciente que cela devait être difficile pour lui peut-être encore plus que pour elle qui avait toujours su qu’elle ne choisirait pas son époux. De plus, elle était chez elle en terrain connu si ce n’est conquis, et elle avait par son coup d’éclat, repris les rênes de son existence, au moins partiellement.

__ Ah oui ? Et à quoi réfléchissiez-vous ? A la meilleure manière de mon complaire j’espère, car nul ne soumet le vent mais les marins les plus avisés apprennent à l’apprivoiser.

Le sourire du grand brun avait de quoi vous désarçonner, mais la brune aux yeux azur était trop bonne cavalière pour se laisser si facilement déstabiliser par un homme, et puis la dernière fois qu’elle s’était laissé charmer, cela s'était on ne peut plus mal fini. Or, une Orageoise n’oublie pas et une Princesse apprend de ses erreurs. Elle soutint son regard charmeur et le vit glisser sur sa silhouette sans broncher, sa robe soulignait ses atouts en montrant le moins de peau possible. Ce col fermé jusqu’au cou était du plus bel effet sur sa poitrine généreuse.

__ Je sais. Vous n’êtes pas mal non plus. Mais la beauté ne suffit pas ici, les Terres de l’Orage forgent nos âmes dans le feu des éclairs et les grondements du tonnerre. Pour gouverner le plus fier et le plus brave des peuples, il faut être le plus fier et le plus brave des Roi.

Un puissant éclair fendit le ciel et illumina son visage, faisant apparaître dans ses yeux une lueur impétueuse sans que son noble port de tête n’en perde de sa superbe. Imaginait-il qu’elle allait fondre au premier compliment ? Elle savait qui elle était, ce qu’elle valait et elle avait conscience de sa beauté, mais quand bien même eut-elle était aide, sa force de caractère et sa détermination aurait pu compenser. Le refus de Rhaegar n’avait fait qu'ébranler légèrement les fondations de son assurance car elles coulaient dans ses veines. Le sang des Premiers Hommes s’y mêlait à celui des Andales pour écrire l’histoire, née dans les légendes, d’une lignée ancestrale. Le tonnerre rugit au dehors, faisant vibrer les carreaux de la fenêtre qui tambourinait et ruisselaient sous la pluie déchaînée. Elle se tourna vers la foule un instant.

__ Suivez moi.

Souffla-t-elle avant de le prendre par la main et de l'entraîner par la porte située derrière l’estrade royale.

Le défi n’était pas tant de battre un excellent chevalier dans un duel, mais de combattre sept des meilleurs épéistes les uns à la suite des autres. Elle ne doutait point qu’Orys était un épéiste hors pair, elle pouvait même l’espérer, pour l’Orage. Ainsi, quand il lui dit qu’il ferait de son mieux pour tenter d’apprivoiser le vent, elle en fut ravie, même si, au fond, elle n’en espérait pas moins de son futur Roi Consort. Qu’au moins, s’ils ne parvenaient pas à s’aimer, ils parviennent à s’entendre, car le futur du Royaume en dépendait. Et elle savait, la brune aux yeux azur, qu'elle n’était pas facile à vivre, que son caractère n’était pas le plus doux et que ses manières ne plaisaient pas à tout le monde. Elle pouvait se réjouir que le Baratheon, cependant n’en prenne pas ombrage, il faisait face à la Princesse avec bravoure et même un certain tact qui lui serait bien utile en compagnie de la furie. Elle appréciait l’effort et l’homme qu’il semblait être, l’homme qu’elle percevait au-delà de son minois charmant, de ses paroles et de ce sourire charmeur.

En l’observant tandis qu’il la reluquait, la jeune biche se demanda soudain combien de maîtresses il avait eu, beaucoup à n’en point douter. Pouvait-elle espérer qu’il n’en ait plus à partir d’aujourd’hui ? L’avantage c’est qu’il y aurait au moins un des deux époux qui saurait quoi faire pendant la nuit de noces, l'inconvénient étant qu’elle ne savait pas si elle pourrait laisser en vie les femmes qui le séduirait et qu’elle ne souffrirait pas d’abriter le moindre bâtard en sa demeure royale.

La réplique d’Orys concernant le tonnerre fit rire la Durrandon, mais il n’était pas étonnant que l’Orage soit de son côté, elle en faisait partie après tout, et ce bien au-delà des mots qu’elle pouvait prononcer. C’est parce qu’elle vivait pour lui, son Royaume et la tempête, qu’elle l'entraîna dans les couloirs et autres escaliers du donjon. Quand il demanda où elle l'emmenait, elle se contenta de se retourner un instant et de lui sourire, sans mot dire. Ils montèrent de nombreuses marches jusqu’à se retrouver au dernier étage de l’imposante tour. Celle-ci abritait la Salle Ronde où étaient restés les invités ainsi que les appartements seigneuriaux, les quartiers des soldats, l’étage des hôtes où se trouvaient les appartements préparés pour Orys, les greniers et les chambres des serviteurs. C’était à l’étage de ses derniers qu’ils se trouvaient à présent et l’escalier montait encore jusqu’à une lourde porte. Elle l’ouvrit et un vent furieux souleva sa robe et ses cheveux accompagné d’une pluie battante, mais une fois sous la pluie, elle sourit au ciel et ouvrit les bras.

Le haut de la tour était encore plus large que cette dernière, doté d’imposant parapets crénelés qui surplombaient la mer et les terres alentour et offraient une vue impressionnante. Érigée tel un poing brandi au milieu de l’enceinte de la forteresse et bardé de piques d’acier destinés à contrôler la foudre, elle était, tout comme le mur extérieur, d’une parfaite rotondité. La princesse se tourna vers Orys, déjà trempée par le déluge qui s’abattait sur Accalmie.

__ Venez, c’est d’ici que les orages sont les plus beaux.

Argella ne s’était pas tellement posé la question de la religion parce qu’elle n’avait pas songé que les résidents de Peydragon puissent croire en autre chose que les Sept. On pouvait aisément imaginer que ni Argilac ni Rowena n’étaient aussi naïfs que leur fille à ce sujet et que eux n'ignoraient pas ce point. Ils apprécieront d’autant mieux les efforts faits par Orys lors de la cérémonie, mais de toute façon une conversion, au moins de façade était indispensable, tant pour épouser la Princesse que pour se faire accepter des vassaux de l’Orage. Quant à la jouvencelle, elle pensait qu’ils étaient trop bien élevés et respectueux pour croire en d’autres Dieux que les siens. C’était connu, les Fer-Nés étaient des barbares, les nordiens aussi et les dorniens mélangeaient les religions pour arriver à une hérésie qui les arrangeait bien. Les gens civilisés priaient les Sept, point. Le fait qu’Aegon ait deux épouses, ce qui était certes interdit par les sacrements du mariage ne l’inquiétait pas plus que ça quant à la foi d’Orys.

Quoi qu’il en soit, il était charmant et il plaisait à la jeune biche qu’il la complimente, même si elle résistait pour n’en rien montrer. Cependant, dans un sursaut de romantisme façon Durrandon, elle l’emmena avec elle à travers les couloirs et les escaliers d’Accalmie. Si c’était une visite, c'était une visite expresse, d’ailleurs, il n’eut pas l’occasion de voir grand chose à part les portes qui donnaient sur les divers étages de la tour. Qu’importe, il aurait tout le temps de découvrir la forteresse plus tard. Mais elle voulait lui montrer un endroit qu’elle appréciait tout particulièrement, un endroit duquel on pouvait observer la mer, les terres d’Accalmie, la cité qui s’étalait au pied des épaisses murailles. Mais ce qu’elle préférait, c’était regarder les orages, depuis le faîte de cette tour. Elle avait toujours adoré les tempêtes, depuis petite, et on l'avait retrouvée trempée et frigorifiée un certain nombre de fois à cet endroit précis quand elle était encore enfant. Heureusement, sa santé était solide et il apparaissait qu’aucune tempête ni aucune pluie ne puisse la rendre malade.

L’eau dégoulinant sur son visage, dans ses cheveux et sur ses vêtements elle souriait toujours, elle tira même la langue pour boire quelques gouttes de pluie fraîche envoyées par les cieux furibonds que les éclairs déchiraient au-dessus de leurs têtes, agitant la mer et détrempant la campagne. Ce qu’elle pouvait aimer sentir, voir et entendre les éléments se déchaîner autour d’elle, elle se sentait tellement vivante dans ces moments-là. L'exaltation gagnait tout son corps, comme si elle était elle aussi mue par la même force que l’orage, à moins que ce soit lui qui lui donne sa force, en tout cas il se passait quelque chose d'électrique entre elle et lui, et elle venait d’inviter Orys à partager cet instant de grâce avec elle. Était-ce une première preuve de confiance ? C’était en tout cas l’assurance que, même sous ses grands airs, elle ne lui fermait pas toutes les portes d’office, qu’elle était prête à le guider. Oh, elle ne lui rendrait pas pour autant les choses faciles, elle l’avait prévenu, mais elle lui souhaitait la bienvenue à sa manière et lui montrait qui elle était, au-delà des apparences et des protocoles, au-delà même des défis lancés. Et puisqu’il finit par sortir et par laisser la pluie l’atteindre, il lui sembla qu’il comprenait.

__ Je vous montre mes endroits préférés, les coins secrets de ma demeure, pour que vous sachiez de quoi sont faits mon âme et mon cœur.

Fit-elle en soutenant le regard qu’il venait de plonger en elle pour lui dire que c’était effectivement d’une grande beauté. Longtemps, elle l’observa en silence, laissant le tonnerre gronder et les éclairs éclairer ses traits d’une lumière blanche presque aveuglante. Laissant la pluie pénétrer leurs vêtements jusqu’à ce qu’ils soient tous deux trempés jusqu’aux os. Puis, elle ferma les yeux et pencha à nouveau la tête en arrière en levant les paumes de ses mains devant elle pour sentir encore la pluie sur son visage et sur ses mains.

Argella n’avait pas prévu cela. Elle n’avait rien manigancé, ni l’Orage, bien sûr, même si elle pouvait s’attendre à ce qu’il se déclare au-dessus d’Accalmie tôt ou tard, ni même le fait de l’emmener ici. Oh elle l'aurait certainement fait, un jour. Mais si tôt ? Non, il aurait mieux fallu attendre, il aurait probablement mieux valu ne pas s'éclipser de la fête donnée en l’honneur de leurs fiançailles de la sorte et se retrouver ainsi trempé. Mais quelque chose l'avait poussé à le faire. Son instinct peut-être, ou quelque chose qui s’en rapprochait et qui coulait dans ses veines. Cette chose qu’elle avait l’habitude de laisser s’exprimer sans se préoccuper, ni des conséquences, ni des qu’en dira-t-on. Et alors que la pluie ruisselait sur son visage et sur ses mains, tandis qu’elle souriait aux éclairs, elle l'aperçut faire de même. Mais à sa première remarque, elle songea qu’elle avait peut-être eu tort de l’emmener ici, qu’il était encore trop tôt pour cela. En revanche, la seconde réplique la fit sourire.

__ Hum… Cela aurait été une bonne idée, mais d’une part, vous l’avez eue avant moi, d’autre part, je ne veux pas que vous échouiez à ses épreuves. En vérité, vous devez réussir et je suis celle qui décidera si vous avez réussi ou non, en tout cas pour la plupart d'entre elles. Le reste repose uniquement sur vous et sur vos capacités à faire face à la difficulté et au danger, mais quelqu’un m’a dit que vous étiez un homme extraordinaire, aussi, j’ai confiance en vos habiletés.

Fit elle en plongeant son regard azur dans celui d’Orys.

__ Mais Sire, il n’y a pas que moi que vous devez convaincre, il n’y a pas qu’à moi que vous devez faire oublier votre naissance douteuse pour apparaître comme un Roi digne de l’Orage. Vous devez prouver que vous avez votre place à mes côtés, à mes vassaux, à mes gens, à tout le royaume. Aussi, j’espère qu’à l’issue de ces Sept épreuves, vous aurez gagné le respect de la majorité et le silence des plus réfractaires et qu’ainsi, personne n’osera mettre en cause à la fois notre union et notre légitimité.

Il était beaucoup trop tard pour rentrer et retourner simplement à la fête avec leurs habits trempés. Pire, ils ne pouvaient pas simplement en changer, car ils s'étaient tous deux éclipsés sans chaperon et les rumeurs sur la vertu de la Princesse auraient tôt fait de courir dans tout l’Orage.

__ Rentrons.

Annonça la Durrandon avant de retourner vers la porte pour se mettre à l‘abri. Un peu trop vite à son goût, mais le temps de faire sécher tout cela, leur absence ne passerait certainement pas inaperçue. D’ailleurs, une fois dans l’escalier, elle essora ses cheveux et sa robe et les flots qui s’en échappèrent ne laissaient pas place au doute, elle était trempée jusqu’aux os. Une fois qu'elle eut arrêté de dégouliner, elle descendit les escaliers jusqu’aux appartements seigneuriaux et conduisit Orys à sa chambre.

__ Cela doit vous paraître un peu cavalier comme entrée en matière, mais ma chambre possède l’une des plus grandes cheminées d’Accalmie et ainsi, nous pourrons faire sécher nos vêtements.

Dit-elle en poussant la double porte de bois sculptée d’une scène de chasse qui donnait dans ses appartements. Une autre double porte peinte d'entrelacs noirs et or plus tard, ils entrèrent dans une grande pièce dotée d’une large fenêtre, d’un bureau, d’un grand lit à baldaquin aux rideaux de brocart noirs et dorés, d’une immense cheminée en marbre noir sculpté surmontée d’une tête de cerf aux andouillers majestueux. Elle traina tant bien que mal un paravent en ébène marqueté avec des incrustations de nacre et des motifs en feuille d’or et le déplia perpendiculairement au centre de la cheminée. Elle prit également quelques cintres dans son armoire assortie au paravent et en donna la moitié à Orys.

__ Nous serons plus vite secs si nous enlevons nos vêtements.

Expliqua-t-elle avant d’aller de l’autre coté du paravent.

__ Inutile de vous dire de rester de votre côté.

Lorsqu’on habitait l’orage, il fallait être prêt à se mouiller. En vérité à passer sa vie trempé jusqu’aux os au moindre déplacement. Il ne pleuvait pas tout le temps, non, pas tout le temps. Après tout, il fallait bien un peu de soleil, de lumière tout du moins, pour que les champs poussent et offrent l’abondance qu’ils offraient. Alors on pouvait effectivement parler de tradition Orageoise, car la pluie tombait autant sur les invités.

__ Vous avez plutôt intérêt. Certaines épreuves pourraient vous coûter la vie.

Répondit-elle lorsqu’il promit de se montrer digne d’elle et de l’Orage. Maintenant il avait toutes les cartes en main pour comprendre ce qui se jouait, saisir que leur relation n’était qu’une infime partie de l'équation. Si sur Peyredragon, la bâtardise n’était pas considérée aussi durement que dans le reste de Westeros, l’Orage était parmi les Royaumes les plus strictes à ce sujet, et les vassaux n’allaient pas être faciles à convaincre. Elle ne pouvait donc pas simplement l’accepter comme époux en docile Princesse qu’elle n'était pas, elle ne pouvait pas non plus lui rendre la tâche trop facile. Et ce, même si plus elle le regardait les yeux dans les yeux, sous la pluie, plus elle le trouvait à son goût.

Cependant ça n’était pas le sujet du jour. Le sujet était de retourner à la fête donnée en l’honneur de leurs fiançailles l’air de rien après cette petite escapade pour le moins humide. Ils ne pouvaient donc pas changer de vêtements et étaient obligés d'attendre qu’ils sèchent, si elle l’avait conduit à ses appartements pour rejoindre les siens, il aurait bien pu faire cette erreur et elle voulait l'éviter, et puis sa cheminée était vraiment la plus grande après celle de ses parents. Mais lorsqu’il répondit un si vous le dite peu convaincu, elle se tourna vers lui avec un sourcil levé en se demandant s’il doutait de sa sincérité. Il n'avait pas tort, ça n’était pas la seule raison, l’autre était qu’elle voulait donc le garder à l'œil, l'empêcher de se changer et… peut-être passer encore du temps avec lui.

Une fois chacun des fiancés de son côté du paravent Argella entreprit de retirer cette robe sans l’aide de sa camériste et encore moins d’Orys, elle se félicita d’avoir choisi une tenue qui se fermait sur l’avant et retira les nombreux boutons un à un, tâche qu'elle trouva terriblement longue et difficile tant elle n’en était pas familière. Elle finit tout de même par en venir à bout et laissa la robe tomber par terre avant de la ramasser pour la mettre sur un cintre et la pendre au manteau de la cheminée. Sa longue chemise en soie blanche, trempée également, collait à sa peau, elle la décolla tant bien que mal pour la laisser sécher sur elle. En effet, si Orys était à l’aise avec la nudité et les femmes, ça n'était pas du tout le cas d’Argella, et il était hors de question qu’elle se mette entièrement nue avec un homme dans la pièce avant le soir de ses noces.

__ Nu ? Comment ça ?

Ne comprenant pas ce qu’il entendait par là, elle eut le réflexe malheureux de regarder, dubitative, dans le mince interstice qui existait entre les pans articulés du paravent.

__ Oh !

Plus un couinement qu’une exclamation…

__ Par les Sept !

Une exclamation cette fois, qu’elle lança en se cachant les yeux avec les mains avant de détourner la tête, regrettant ce geste malencontreux et TOTALEMENT DÉBILE, pourquoi ais-je fait ça ?!. Le peu qu’elle avait aperçu lui suffisait amplement pour constater qu’il était effectivement complètement nu. Et par la même occasion découvrir l'anatomie masculine, enfin partiellement, heureusement pour la pureté de son esprit qui venait déjà d’en prendre un sacré coup en distinguant la courbure magnifiquement dessinée des fesses d’Orys. Peut-être se serait-elle évanouie en devinant l’autre côté. En tout, cas elle était manifestement encore déconcertée par sa vision et quand elle était déconcertée, sa voix, d'ordinaire plutôt grave, se faisait plus aiguë et le ton plus saccadé.

__ Je ne sais absolument pas où sont les serviettes. Mais diantre, vous ne portez donc aucun sous-vêtements à Peyredragon ?

Il y en avait certainement quelque part, mais elle ne s’occupait pas du linge de maison, aussi, elle n’avait aucune idée de l’endroit où les servantes les rangeaient, si tant est qu’elle les rangent dans sa chambre, ce qui était loin d'être certain.

__ Je ne sais pas, prenez… N’importe quoi. Une bûche…

C'était tout ce qui était à sa portée et elle se mit à rire parce que c’était hilarant de l'imaginer cacher ses parties intimes avec une bûche.

__ Non attendez, ne bougez pas... et fermez les yeux.

Heureusement, son lit se trouvait de son côté aussi n'aurait-elle pas à trop s’exposer, mais c’était pour être sûre qu’il ne verrait rien, parce qu sa chemise était devenue totalement transparente et collait toujours même si elle s’évertuait à l’écarter de sa peau pour qu’elle sèche plus vite. Elle alla donc chercher son immense édredon et retourna de son côté du paravent en le traînant à moitié par terre parce qu’il était bien trop encombrant pour elle. De là, elle ferma les yeux et passa une main avec un coin de l’édredon vers le côté d'Orys.

A la question d’Argella sur l’usage des sous-vêtements à Peyredragon, Orys répondit qu’il n’en avait jamais vu l’utilité. Il était vrai que la situation actuelle était quelque peu étrange et que dans bien d’autres circonstances les sous vêtements ne servaient qu’à éviter le frottement de certaines étoffes rêches sur la peau et à préserver les vêtements du dessus des odeurs corporelles. Elle se surprit à se demander si c’était quelque chose de courant chez les descendants de l’ancienne Valyria sans oser le demander. En tout cas, elle ne s’était pas attendue à se retrouver avec un homme nu dans sa chambre et elle en était très gênée. Mais elle n’osa cependant pas lui rétorquer qu’il ferait mieux de s’y mettre parce qu’il faisait bien ce qu'il voulait et qu’après tout, il ne pouvait pas s'attendre à se retrouver tout mouillé dans la chambre de la princesse lors de leur première rencontre. Donc tout ça était probablement plus de la faute de la Durrandon que de celle du Baratheon.

C’est enroulé dans l’édredon qu'elle lui avait passé en fermant les yeux qu’il sortit de derrière le paravent pour se mettre sur un fauteuil devant la cheminée. Pourtant, Argella avait placé le paravent le plus près possible du feu, mais à priori pas assez selon Orys. Elle le regarda s’installer en toute quiétude, comme si tout allait parfaitement bien et eut toutes les peines du monde à arrêter de le fixer. Tant parce qu’elle ne comprenait pas ce qu'il faisait que parce qu'elle était en train de constater qu'il était fort bien bâti. Elle avait déjà eut des occasion de se rincer l’œil sur les torses nus des hommes qui s’entrainaient sur la lice, aussi elle pouvait constater qu’il avait un corps de guerrier, mais elle n’en avait jamais vu de si près et c’était encore plus beau à regarder d’ici. Par les Sept, la jouvencelle me préserve de toute mauvaise pensée. se dit-elle en se rendant compte qu’elle le fixait depuis un peu trop longtemps. D'ailleurs, elle avait légèrement oublié d’écarter sa chemise de sa peau pendant tout ce temps. Pour éviter qu’il ne la voit, elle replia un des battants du paravent vers elle et se cacha derrière avant de recommencer à agiter sa chemise pour qu’elle sèche.

__ Je crois que les torts sont partagés Messire.

Répondit-elle lorsqu'il s’excusa de l'avoir mise dans une situation délicate.

__ Je dois avouer que je n’avais pas pensé, en vous emmenant là-haut, sous l’Orage, que nous devrions impérativement sécher avant de redescendre dans la Salle du Trône.

La jouvencelle songea que ça n’était pas l’unique chose qu’elle n’avait pas prévue et gloussa avant de passer la tête sur le côté du paravent. Elle reprit d’un air faussement détaché en le regardant.

__ Je n’avais pas non plus prévu que vous n’auriez pas de sous-vêtements.

Soulevant un sourcil, la Durrandon le fixa, amusée. Elle remit sa tête derrière le paravent en ajoutant d’une voix suave :

__ Peut-être que quand nous serons mariés je n’en verrais plus l’utilité non plus.

La brune aux yeux azur se retourna et mit la tête en arrière pour agiter ses cheveux afin qu’il sèche un peu plus vite et surtout qu’ils arrêtent de dégouliner sur sa chemise. Hélas le paravent ainsi replié coupait quelque peu la chaleur émanant de l’âtre dans lequel les bûches crépitaient doucement et le séchage risquait de prendre plus de temps que prévu. Mais il était cependant amusant, et très étonnant, de découvrir de nouveaux aspects de son fiancé, de le voir sous un angle qu’elle n'aurait jamais perçu sans cette petite aventure.